[A propos de Salvatore Lombardo]

«Mon engagement n'est rien d'autre qu'une volonté de mettre en perspective votre action esthétique et politique depuis plus de quinze ans. Non seulement pour la survie de votre Afghanistan mais aussi pour l'édification des faibles esprits qui forment en Occident la célèbre et pathétique majorité silencieuse» (Lettre 23) De quoi faire réfléchir l'Occident qui prône sans honte des lois morales qui n'ont plus grand chose à voir avec la morale.
Lombardo écrit ses lettres depuis les lieux qu'il parcourt, d'un petit village de haute Lozère, en passant par Tunis, El Kef…., et il en ressort une vision du monde arabe en quelques lettres qui tranche avec les superficialités à cycle ultra-rapide de rotation des “événements” qui occupent la toile de fond des “informations”. 
Avant son retour dans le giron des guerres du centre, par une translation new-yorkaise, l'Afghanistan était ce pays lointain, en guerre, dont tout le monde se foutait, ou presque, et Massoud l'Afghan pouvait bien encore «gagner cent batailles. C'est ennuyeux pour l'honneur mais pas vraiment dérangeant politiquement. Car comme Aoun hier, Massoud ce n'est rien, vu de Washington où certains journalistes spécialisés dans le monde arabe se permettent sans rire ni pleurer de confondre le Maroc et la Tunisie en situant Casablanca près de Tunis.» (Lettre 4) Pris dans le champ de force des luttes pour le contrôle de l'approvionnement en énergie, cette partie du monde fut reléguée au rang «d'accessoire des grandes machines spatio-politiques de l'occident.»
«Sur les hauteurs de Tripoli la Libanaise comme dans les plaines obscures de Kabul, même scénario de négation de l'islam pour un étrange film aux commanditaires insolents et frileux. Qui arme les intégristes ? A quels ordre obéissent les frères musulmans, le Front Islamique du Salut ou les tâlebân ? Pourquoi veut-on casser l'image vraie de l'islam ? A qui profite le crime ? Les questions sont aussi indécentes et crues que l'absence de réponses cohérentes derrière les reportages qui disent tout sans jamais rien expliquer.» (Lettre 3)
Lombardo écrit aussi à celui qui rêvait à l'architecture avant la plongée dans la nuit et lui rappelle que si «Kabul reconquise venait à manquer de bâtisseurs à hauteurs de rêve» il pourrait trouver dans l'architecte Rudy Ricciotti et «plus que son talent plus ou moins manipulateur, (sa) profession de foi en la beauté de la grandeur dans la rigueur extrême du combat pour la survie intellectuelle, dans un contexte médiatico-politicien donnant naissance à autant d'eunuques de l'esprit que de handicapés de l'art.» (Lettre 21).

Toutes les lettres sont extraites de
“Lettres à Massoud”,
Edition Autrement